Il y a 50 ans, les Américains quittaient Évreux
En 1967, les Américains stationnés sur la Base Aérienne bouclaient leurs valises. Un demi-siècle plus tard, l’Ébroïcien Bernard Crochet leur consacre une longue rétrospective. Morceaux choisis…31 mars 1967. À 18 heures, très exactement, une foule de journalistes se presse autour du colonel américain, Tarver. Face aux micros, le patron de la Base Aérienne 105 scelle, officiellement, le départ des troupes US. Baptisé en juin 1913, le site militaire a accueilli ses premiers GI’s au sortir de la Seconde guerre mondiale, dans le cadre de sa cession à l’OTAN, le 9 décembre 1951.
La totalité des nouveaux bâtiments sont achevés par le génie américain. Mais l’entreprise ébroïcienne, les Chantiers modernes va s’équiper de matériaux ultramodernes (scrapers, bulldozers, pelles mécaniques, grues, centrales à béton) pour mener à bien la construction de cet énorme complexe aérien. Ainsi, à la fin des années 50, on comptera jusqu’à 9 000 militaires sur la Base Aérienne. Dès lors, « l’american way of live » va se répandre comme une traînée de poudre, aux quatre coins de la ville. Avec son florilège de produits inconnus dans l’Hexagone : ice-creams, chewing-gums, hamburgers, coca-cola, les grosses cylindrées aux couleurs chatoyantes et, bien sûr, de nouveaux airs de musique (jazz, rock’n’roll, country, rhythm’n’blues). Ce sera, pour les teen-agers ébroïciens, l’occasion de découvrir Glenn Miller, Count Basie, Fats Domino, Bill Haley et… Jimi Hendrix !
Bernard Crochet, bien conscient de la fracture générationnelle, détaille : Ce sont surtout les jeunes qui ont été sensibles à toutes ces nouveautés. Elles incarnaient la modernité, le progrès et un souvenir radieux. » Car les adultes sont plus critiques, plus méfiants dans la mesure où les citoyens du Nouveau Monde disposent, à Évreux, de leurs propres supermarchés – les fameux PX -, leurs clubs et leurs logements. En fait, ils ne se mélangeaient guère, ils faisaient peu marcher le commerce local, à part les boulangeries et les boîtes de nuit où ils prenaient des cuites souvent carabinées. » Au final, percent quelques rancœurs et jalousies envers ces « orgueilleux alliés qui ont tous les atouts pour séduire les filles du coin » : l’argent, la dégaine de conquérants et les voitures jaunes citron, rose ou mauves. Le nec plus ultra pour draguer du côté de l’Escapade, du Dancing des Sports ou au Red Cross !
Dans un domaine moins ludique, le passage des Américains présidera, également, à la construction d’un hôpital militaire (à Saint-Michel), de la Cité Lafayette et de nombre de logements à La Sablonnière et au Village de la Forêt, « tous équipés de frigos, fours et chauffage central, un équipement encore hors de portée de nombreuses familles françaises ».
Avec, au plus fort de la présence yankee sur notre sol, 13 500 élèves… avant que le général de Gaulle ne siffle la fin de la récréation US.Le 7 mars 1966, il a décidé de retirer la France de l’OTAN. Les États-Unis réclameront, au pays, 13,5 milliards d’anciens francs pour leurs investissements à la Base Aérienne et à l’hôpital. Mais ils obtiendront beaucoup moins. » Un an plus tard, le colonel Tarver tirera sa révérence…