Chatillon-sur-Loire

Je passais mes vacances scolaires chez ma tante Thérèse et mon oncle Robert à Châtillon-sur-Loire.

Dès l’âge de 8 ans jusqu’à mes 13 ans j’ai passé mes grandes vacances à Châtillon-sur-Loire. Mon oncle et ma tante travaillaient dur comme matelassiers. Lui, malgré sa sclérose en plaques, cardait la laine et le crin dans le hangar attenant à leur maison. Elle, assise sur une chaise, autour de son métier, façonnait le nouveau matelas et le traversait de part en part avec de longues aiguilles, pour lui donner sa forme.

Chez ma tante et mon oncle à Chatillon-sur-Loire

Chez ma tante et mon oncle à Châtillon-sur-Loire

Du printemps jusqu’à l’automne elle faisait, en plus, le poisson à cause des fins de mois difficiles. Les colis expédiés de Boulogne-sur-Mer dans la nuit l’attendaient au petit matin en gare de Châtillon. Ma tante, une forte femme, chargeait les caissettes de bois glacées, bardées de cordes, dans une remorque attelée à une mobylette. Elle commençait sa tournée…

Parfois je la rejoignais sur la grande place du champ de foire. Elle soufflait dans une corne et criait : « Marchande de marée, marchande de marée!» puis s’arrêtait à un carrefour stratégique. Les passants s’approchaient peu à peu. Dans la remorque on pouvait voir l’étalage de poissons reposant dans la glace pilée, la balance de Roberval, les feuilles de journaux, le papier cellophane et une grande boîte en fer contenant des pièces de monnaie et quelques billets. Quand il n’y avait plus personne, elle replaçait son crayon sur son oreille droite, enfourchait la mobylette et repartait un peu plus loin. Elle me laissait corner à sa place et je ne m’en privais pas !

Nous avions, pour le repas du midi, les invendus de la tournée, cuisinés à toutes les sauces, au court bouillon et dans la marmite «qui cuit tout». C’est ainsi que l’on nommait l’autocuiseur chez les Flandry. Après le déjeuner, ma tante procédait au comptage de la recette en empilant les pièces et les billets par valeurs et par couleurs.

Il y avait la « mézienne », sorte de sieste obligatoire pour les enfants, très prisée dans la famille. Un jour, pour m’aider à rester en place, ma tante avait donné un tour de clé dans la serrure. Je me souviens d’avoir eu une envie pressante, si pressante que je ne pus la contenir. Le vase de nuit avait disparu et je devais trouver une solution rapide. Ma chambre, située à l’étage, avait un trou dans le plancher par lequel passait le tuyau de la cuisinière, retiré en période d’été. J’ai utilisé ce trou salutaire et replacé le bouchon. Sur le coup, je n’avais pas pensé à la corbeille de fruits ni à la marmite se trouvant sur la cuisinière, juste au- dessous, au rez-de-chaussée…

Chez la famille Gaboret au 1 rue du cimetière ou j'allais chercher le lait.

Chez la famille Gaboret au 1 rue du cimetière ou j’allais chercher le lait.

La ferme des Gaboret

J’allais à la ferme des Gaboret chercher le lait. Toute la famille vivait dans une grande pièce sombre éclairée seulement par une petite fenêtre. Un portrait du Maréchal de Lattre de Tassigny était accroché au mur au-dessus de la cheminée. Le père Gaboret plongea une louche dans un gros bidon de lait et remplit ma laitière. Je lui tendis les pièces de monnaie que ma tante m’avait confiées. Nous avions étudié sommairement la force centrifuge à l’école mais il restait à en faire la démonstration. La laitière semblait l’outil idéal et sur le chemin du retour, je faisais de larges tourniquets, bouchon retiré, forcément ! L’arrivée chez ma tante fut mouvementée, cela va sans dire. Elle m’a classé comme enfant « à charge » et difficile…

Chez tante Thérèse, j’étais toujours habillé de la même façon, d’une culotte courte de velours côtelé bleu marine et d’une petite chemisette. « C’est moins salissant », disait- elle !

J’allais parfois, avec le fils Gaboret mener les vaches au pré. Je le rejoignais avec le troupeau remontant la rue du cimetière et nous passions devant la Maison des vignes. Je m’étais fabriqué une « oussine », une petite branche d’osier servant à remettre dans le droit chemin les vaches récalcitrantes. Nous rentrions dans un grand champ entouré de fils de fer barbelés, traversé par une rivière bordée de saules. Elle serpentait en traversant une clairière à l’orée du bois. Dans l’eau transparente, on voyait quelques carpes, des poissons-chats et une multitude de vairons. J’avais repéré, un peu plus loin, un rétrécissement et une cascade. En regardant l’eau tomber sur les grosses pierres, j’ai eu l’idée de fabriquer un petit moulin.

Mon grand-père m’avait appris l’utilité de posséder un couteau, de la corde et un mouchoir qui, en plus de son rôle habituel, lui servait d’aide-mémoire quand il y faisait un noeud. Je n’avais qu’un petit canif en corne blanche et un bout de ficelle (le mouchoir m’était inutile). C’était suffisant pour tailler quatre larges morceaux d’écorce pour constituer les ailettes. Biseautées à souhait, je les ai ajustées dans l’axe d’une branche de peuplier servant de support. Pour finir, j’entourais de ficelle les quatre jonctions afin de les renforcer. Je posais l’ouvrage entre deux pierres, là où je jugeais le courant idéal. Le petit moulin s’était mis à tourner et je chantais : « Tourne, petit moulin ! »

Les vaches mangeaient l’herbe tranquillement. Quelques- unes, tendant le cou à travers la clôture, dégustaient la verdure du pré voisin, meilleure, forcément. Ce jour là, je suis resté longtemps à contempler mon petit moulin !

Les vaches aux champs

Les vaches aux champs

Pendant les grandes vacances j’allais avec le fils Gaboret mener les vaches aux prés. Je le rejoignais avec le troupeau remontant la rue du cimetière et nous passions devant la Maison des Vignes. Je m’étais fabriqué une petite branche d’osier servant à remettre dans le droit chemin les vaches récalcitrantes. Nous rentrions dans un grand champ entouré de fils de fer barbelés, traversé par une rivière bordée de saules. Elle serpentait en traversant une clairière à l’orée du bois. Dans l’eau transparente, on voyait quelques carpes, des poissons-chats et une multitude de vairons. J’avais repéré, un peu plus loin, un rétrécissement et une cascade. En regardant l’eau tomber sur les grosses pierres, j’ai eu l’idée de fabriquer un petit moulin. Mon grand-père m’avait appris l’utilité de posséder un couteau, de la corde et un mouchoir qui, en plus de son rôle habituel, lui servait d’aide-mémoire quand il y faisait un noeud. Je n’avais qu’un petit canif en corne blanche et un bout de ficelle (le mouchoir m’était inutile).

Le petit moulin

Le petit moulin

C’était suffisant pour tailler quatre larges morceaux d’écorce pour constituer les ailettes. Biseautées à souhait, je les ai ajustées dans l’axe d’une branche de peuplier servant de support. Pour finir, j’entourais de ficelle les quatre jonctions afin de les renforcer. Je posais l’ouvrage entre deux pierres, là où je jugeais le courant idéal. Le petit moulin s’était mis à tourner et je chantais : « Tourne, petit moulin ! Les vaches mangeaient l’herbe tranquillement. Quelques-unes, tendant le cou à travers la clôture, dégustaient la verdure du pré voisin, meilleure, forcément. Ce jour là, je suis resté longtemps à contempler mon petit moulin !
Écouter la chanson :

L'accès chez Mémère et pépère LETRANGE par l'escalier de pierre.

L’accès chez Mémère et pépère LETRANGE par l’escalier de pierre.

 

Le bulletin annuel N° 39 du Châtillonnais

Le bulletin annuel N° 39 du Châtillonnais

 

(Extrait de Mon ciel de Traîne)  Crédits La cabane d’Amélie